Par Fèmy Mouftaou, Head of Fund Strategy for Continental Europe chez IQ-EQ
Le 3 juillet 2024 marque une date importante pour le secteur de la gestion d’actifs français avec la promulgation de l’ordonnance n°2024-662 visant à moderniser le régime des fonds d’investissement alternatifs (FIA). Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre de la loi relative à l’industrie verte, promulguée en octobre 2023, et du règlement européen ELTIF 2.0. Avec un objectif clair : renforcer l’attractivité de la France.
Moderniser les fonds de droit français
Les objectifs de cette ordonnance sont clairs et assumés : outiller et moderniser les structures de droit français pour se mettre au même niveau que certaines places européennes. L’ordonnance introduit aussi de nombreuses dispositions concernant les véhicules d’investissement dits « non-professionnels », avec douze mesures visant à clarifier certains textes et à adapter certains véhicules conformément au Règlement ELTIF 2.0. Le texte simplifie ainsi les investissements indirects dans les Fonds Commun de Placement à Risques (FCPR) et leur éligibilité à cette règlementation afin de faciliter la distribution vers le retail de ces stratégies de fonds de fonds. L’ordonnance fait de surcroît la part belle aux fonds d’épargne salariale, qui pourront eux aussi investir dans des fonds ELTIF 2.0, pour peu qu’ils respectent les prérequis en matière d’objectifs d’investissement, de diversification et de liquidité.
L’article 15, par ailleurs, clarifie les règles relatives aux FIA « nourriciers », c’est-à-dire investis à 85% au moins dans un autre FIA, dans une optique de transparence vis-à-vis des investisseurs, et de meilleure gestion des risques. Ils sont désormais tenus de révéler clairement leur statut de fond nourricier dans leurs documents et brochures marketing, et justifier dans quelle mesure leur performance dépend du FIA maître et quels frais additionnels peuvent s’appliquer à chacun de ces deux niveaux. Ce en plus de reportings fréquents sur la liquidité, la concentration et la volatilité des actifs.
Article 4 : l’émergence d’un nouveau statut à exploiter
Parmi toutes les mesures introduites par l’ordonnance, la plus notable est la création d’une nouvelle forme de fonds professionnel spécialisé (FPS) structuré sous forme de société sans personnalité morale : la société de libre partenariat spéciale (SLPS). Véritable révolution au sein du code civil français, cette nouvelle structure a été pensée en particulier pour certains types d’investisseurs qui ne pouvait appréhender la société de libre partenariat comme étant transparente d’un point de vue fiscal en raison de sa personnalité morale (principalement pour les Belges et les Canadiens). A l’image du Luxembourg qui dispose de la société en commandite spéciale (SCSp), structure sans personnalité juridique, la SLPS permettra dorénavant de disposer d’un ensemble de véhicule compétitifs. En effet, sa structure offre une flexibilité significative en termes de stratégies d’investissement et de gestion. Elle permet ainsi aux gestionnaires de définir librement les termes de collaboration avec les partenaires, notamment la répartition des bénéfices et des pertes et les modalités de gouvernance. Cette liberté contractuelle est une vraie nouveauté pour s’adapter aux besoins spécifiques des investisseurs et des diverses stratégies d’investissement, pouvant tant travailler avec des actions que des obligations, des biens immobiliers et d’infrastructures et des produits dérivés.
Une compétitivité renforcée dont il faut désormais s’emparer
Les fonds d’investissement alternatifs peuvent tirer de nombreux bénéfices de cette réforme. Tout d’abord, la nouvelle forme de FPS sans personnalité morale ouvre de nouvelles perspectives pour les gestionnaires de fonds français en leur permettant de concurrencer plus efficacement leurs homologues européens. Leur création offre une structure plus souple, semblable aux véhicules d’investissement luxembourgeois et anglo-saxons, et réduit ainsi l’écart de compétitivité qui existait avec eux. Cette flexibilité structurelle permet ainsi aux gestionnaires de répondre plus rapidement aux opportunités de marché et de proposer des solutions adaptées aux investisseurs internationaux. Autre mesure importante, les fonds professionnels ne pouvaient jusqu’à maintenant émettre des titres de créances. C’est désormais chose faite : ils sont en mesure de lever des fonds de manière plus flexible et diversifiée, en complément des capitaux propres. Et ainsi d’attirer une nouvelle catégorie d’investisseurs institutionnels et retail, en quête d’alternatives aux obligations souveraines et aux titres de créance corporate.
Ensuite, la simplification des règles pour les FIA non-professionnels devrait attirer une nouvelle catégorie d’investisseurs, notamment des particuliers à la recherche de produits d’investissement plus accessibles. Enfin, l’ouverture des fonds d’épargne salariale aux fonds ELTIF 2.0 constitue une opportunité majeure pour les gestionnaires de ces fonds. En mobilisant l’épargne des salariés vers des projets de long terme, ces fonds pourront jouer un rôle clé dans le financement de l’économie réelle, tout en offrant des rendements attractifs aux épargnants.
En définitive, l’ordonnance du 3 juillet 2024 présente de nombreuses opportunités pour les fonds d’investissement alternatifs. En modernisant le cadre réglementaire et en simplifiant les procédures, elle contribue à positionner la France comme un acteur central dans les nouvelles tendances du paysage financier européen.