Family Offices : les nouveaux acteurs incontournables de la gestion d’actifs

Par Thomas Ibanez, Directeur Commercial pour le marché français chez IQ-EQ

En 2022, on estimait qu’il existait près de 9100 family offices dans le monde. Garants de la gestion de patrimoine des familles fortunées, leur rôle a graduellement évolué vers une structuration des investissements et de la gouvernance des entreprises. Ils peuvent désormais compter sur des tendances sectorielles et macroéconomiques favorables pour poursuivre leur croissance à l’horizon 2024.

Une dynamique porteuse

Initialement conçus pour sauvegarder, transmettre et faire croître le patrimoine des individus fortunés, les fameux HNWI (High Net-Worth Individuals), les family offices ontéclos et se sont multipliés avec la progression du nombre de grandes fortunes au fil du 20e siècle. Ils sont aujourd’hui concentrés aux Etats-Unis à hauteur de 40%, en tant que premier pôle de présence des ultra-riches, suivis par l’Asie, dont le développement économique et l’émergence de nouveaux millionnaires en fédèrent 27%. Un cinquième d’entre eux ont d’ailleurs émergé au cours des vingt dernières années pour cette zone géographique, preuve d’une réelle tendance de fond. L’Europe compte pour sa part pour 25% de ces structures, en troisième position du nombre moyen de HNWI.

Il est vrai que de nombreux facteurs d’instabilité macroéconomiques, comme l’inflation, la montée galopante des taux, ou la résurgence de tensions géopolitiques, n’ont pas aidé l’investissement des familles. Mais cela n’a fait que ralentir une tendance de croissance pourtant structurelle de leurs investissements : 41% des investisseurs familiaux ont augmenté leurs allocations en 2022, contre 65% en 2021 à l’échelle globale[1]. C’est notamment le cas pour le Private Equity, classe d’actifs favorite des family offices, à raison de 21% de leurs placements en 2022, soit une augmentation de 2 points de pourcentage depuis 2021[2].

Un élargissement du champ de compétences

De services centrés sur la gestion de patrimoine classique, les family offices ont progressivement conquis de nouveaux champs d’investissement. Immobilier, infrastructure, dette privée, philanthropie (qui a depuis quelques années le vent en poupe) : ils touchent et se spécialisent dans des classes d’actifs et des secteurs toujours plus larges, afin de proposer des solutions de placement holistiques. Une demande croissante se distingue notamment pour les marchés privés, comme l’affirme une récente étude de Crédit Suisse[3]. D’après le sondage mené par la banque, les family offices ont conclu une moyenne de 7 opérations en Private Equity au cours des deux dernières années, et seuls 13% d’entre eux n’ont pas exploré cette piste. En 2022, le Private Equity s’est ainsi illustré comme première classe d’actifs des family offices à raison de 21% de leurs allocations[4], soit 12% par investissement direct et 9% via des fonds.[5]

Le spectre des services proposés englobe désormais le conseil en investissement et la gestion pour compte de tiers, mais aussi la fiscalité, la création et la transmission de sociétés, ainsi que la réalisation de rapports comptables ou de durabilité des placements. Au point de jouer aujourd’hui un rôle conséquent dans l’allocation des capitaux et l’exercice des droits de vote des clients. En effet, 40% des family offices de premier plan, c’est-à-dire disposant de plus d’un milliard de dollars sous gestion, ont désormais institutionnalisé la prise de décision au sein d’instances rassemblant les membres de la famille et leurs conseillers, ainsi que le font habituellement les sociétés de gestion d’actifs. Des acteurs aves lesquels on observe de plus en plus de convergences, qu’il s’agisse de fonds de pension ou de fonds souverains. Une professionnalisation qui les rend à présent incontournables, aussi bien courtisés par les familles à fort patrimoine que par les fonds désireux d’y être distribués.

Un contexte favorable à l’accélération

Dans ce contexte, les analystes de Barton estiment que le cap des 10 000 family offices devrait être bientôt atteint dans le monde, probablement au cours des deux prochaines années. L’évolution des structures familiales y concoure également, avec une culture de gestion financière de plus en plus répartie au sein des ménages, là où on observait auparavant sa centralisation dans les mains d’un seul membre, « patriarche ». Cela semble influer mécaniquement vers de nouvelles habitudes d’investissement, plus vertes, plus responsables, mais aussi vers les entreprises locales et les nouvelles technologies, secteurs historiquement peu maîtrisés par des conseillers au service de fortunes accoutumées au « nouveau capitalisme ». Plus de la moitié des family offices ont ainsi investi dans des actifs durables à ce jour, et 40% d’entre deux déclarent même que leurs portefeuilles seront majoritairement durables d’ici à 2025.

Face à cette évolution, à l’environnement d’investissement qui ne cesse de muter, et l’émergence de nouvelles nomenclatures, à l’instar du label ELTIF 2.0, les professionnels de la gestion de patrimoine doivent s’adapter continuellement pour accompagner leurs clients au mieux, ce qui devrait renforcer encore le rôle des family offices dans le financement de l’économie. L’année 2024 devrait se monter plus propice alors que les marchés se normalisent, avec une inflation en cours de redescente, quand bien même les banques centrales devraient maintenir une politique monétaire relativement restrictive. La consolidation des acteurs de la gestion d’actifs et des services financiers jouera de plus son rôle en assurant l’émergence de sociétés plus solides et plus exhaustives dans leurs services, que ce soit en France ou à l’international. De telle manière que les investisseurs particuliers et familiaux devraient reprendre du poil de la bête, sollicitant leurs conseillers pour asseoir la tendance observée jusque-là et passer la vitesse supérieure.


[1] 8ème Baromètre Opinion Way pour l’AFFO – Association Française du Private Equity, 20 avril 2023

[2] idem

[3] Crédit Suisse – 2022 – Single Family Office – Survey Report

[4] 8ème Baromètre Opinion Way pour l’AFFO – Association Française du Private Equity, 20 avril 2023

[5] 8ème Baromètre Opinion Way pour l’AFFO – Association Française du Private Equity, 20 avril 2023