Par Romain Mifsud, Chief Commercial Officer France & Suisse chez IQ-EQ
Dans un contexte économique perturbé au cours des dernières années, la collecte des fonds de Private Equity a connu un fort ralentissement. En France comme à l’international, les gestionnaires se concentrent sur l’amélioration de leur rentabilité afin de rassurer leurs investisseurs et se démarquer, quitte à engager certains travaux.
Un marché concurrentiel…
Le ralentissement des levées dans le secteur du Private equity est notable, avec une baisse tant des montants de collecte que du nombre de fonds impliqués dans ces opérations. Ainsi, selon les dernières estimations de Preqin pour la France, ceux-ci ont levé 32,63 milliards d’euros en 2023, contre 44,32 milliards en 2021, soit un léger rebond par rapport aux 28,92 milliards de 2022, mais qui ne suffit pas à retrouver la dynamique passée. De plus, quand 116 fonds levaient en 2021, ils n’étaient plus que 71 en 2023, et on n’en dénombre que 13 sur ces premiers mois de 2024. Une donne encore alourdie par les taux d’intérêts toujours hauts, qui resserrent considérablement l’octroi de crédit et l’effet de levier envisageable.
La météo nuageuse de l’économie force les fonds à innover dans leur stratégie de collecte, de croissance et dans leur stratégie opérationnelle. Ainsi, les grands gestionnaires, qui accueillent la grande majorité des capitaux[1], se lancent dans l’acquisition de sociétés de gestion de moyenne ampleur pour conforter ou diversifier leur stratégie d’investissement et dans l’acquisition de cabinets de CGP experts, contribuant à accélérer leur collecte auprès d’une clientèle assimilée professionnelle voire retail. A contrario, les acteurs plus petits sont soumis à une concurrence accrue pour capter les soldes, ce qui implique de se concentrer davantage sur la rentabilité pour être attractif. L’excellence opérationnelle devient donc une priorité et un facteur différenciant pour tous les acteurs de la gestion afin d’assurer une organisation efficace visant à rassurer les investisseurs et partenaires face à la relative -et temporaire – morosité du Private Equity.
…qui pousse à plus d’excellence opérationnelle
Le dernier rapport de Bain & Co explique ainsi que la transition des stratégies de création de valeur, traditionnellement axées sur l’augmentation des multiples et la croissance du chiffre d’affaires, est désormais portée sur l’amélioration de l’efficacité opérationnelle afin de stimuler la croissance organique. En témoignent la volonté des gestionnaires de fonds de déléguer tout ou partie de leurs opérations à des prestataires de services spécialisés. A l’occasion d’opérations de consolidation ou de réorganisation, l’externalisation peut être un moyen tactique permettant d’assurer une transition lisse et immédiate des services supports, et permet d’accompagner en préservant la dynamique de croissance et en soutenant les équipes.
L’externalisation peut également être une solution pérenne permettant de rationaliser les opérations et d’allouer les ressources plus efficacement, en se concentrant sur son cœur de métier : l’analyse des investissements, la gestion de portefeuille et la génération de rendement pour les investisseurs. Dans un rapport de la société de recherche de marché Cerulli Associates de 2022, 65 % des gestionnaires citaient déjà l’amélioration de la productivité interne et l’exploitation des capacités externes comme principales motivations de leurs choix d’externalisation.
A cela vient s’ajouter la tendance des opérations de « lift out » pour lesquelles les prestataires de services s’adjoignent des équipes opérationnelles spécialisées permettant un accompagnement encore plus exclusif.
Rester à la pointe des avancées technologiques
Cette incertitude économique appelle à une agilité accrue pour s’adapter aux revirements rapides des marchés. Or, cela est conditionné à une bonne gestion de l’information et de la donnée, de manière à analyser les situations nouvelles avec vitesse et précision, et à permettre une communication optimale entre toutes les parties prenantes. L’utilisation stratégique de plateformes de données apparaît comme un outil essentiel pour les fonds, confrontés à des exigences toujours plus importantes de reporting et de conformité. Il s’agit d’automatiser la sélection, l’intégration et la présentation de données pertinentes depuis une multitude de sources différentes, et de les agréger en une seule base, via les data warehouses ou data lakes, accessible de manière transparente et immédiate aux équipes internes, mais aussi aux gestionnaires de fonds et aux investisseurs. Le tout en assurant, bien entendu, les meilleurs standards de sécurité et de confidentialité de ces données.
Ce qui semble d’autant plus actuel alors que l’IA impacte de plus en plus l’industrie de la gestion d’actifs à toutes les étapes de la chaîne de valeur, qu’il s’agisse de la documentation, de la conformité, des relations clients, de l’origination de marché ou même de l’origination de transactions pour trouver de nouvelles opportunités d’investissement. Il en va de la réduction les coûts, des délais de traitement et de la marge d’erreur des processus manuels, tout en fournissant le matériel nécessaire à la prise de décision basée sur l’expertise humaine.
Si l’ampleur de ces investissements peut sembler décourageante, ainsi que la progression rapide des modèles technologiques qui les rend nécessairement fréquents, des solutions existent. Les partenariats et l’externalisation permettent alors de rester à la page des derniers outils les plus efficaces, pour peu que les fonds identifient les prestataires qui en font une priorité. Le coût autrefois prohibitif de ces dispositifs tend d’ailleurs vers une démocratisation, puisque de nombreuses plateformes proposent aujourd’hui des alternatives rentables. Il convient aussi de réaliser des économies d’échelle en sélectionnant les partenaires positionnés sur l’ensemble de la chaîne de valeur des fonds.
Charge aux acteurs des services financiers de continuer à investir massivement dans les nouvelles technologies pour consolider leur offre et décharger les gestionnaires de fonds de leurs processus à faible valeur ajoutée.
Tribune parue dans l’Agefi