
L’abattement pour durée de détention ne s’applique pas aux moins-values
Dans sa décision du 12 novembre 2015 (n°390265), le Conseil d’Etat vient d’annuler purement et simplement l’interprétation de l’Administration quant au mode d’imputation des abattements pour durée de détention en précisant que cet abattement ne s’applique pas aux moins-values.
Ce texte n’est pas passé inaperçu en fin d’année dernière et mérite d’être remis à l’ordre du jour. Pourquoi ? A l’occasion des décomptes de 2015 et des prochaines déclarations de revenus devant intervenir ces prochains mois, les contribuables qui le souhaitent pourront demander la restitution du montant correspondant de l’impôt sur le revenu trop payé ; et, le cas échéant, les prélèvements sociaux et de la contribution sur les hauts revenus.
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Ce qu’a censuré le Conseil d’Etat !
Comme chacun le sait, les lois de finances pour 2013 et 2014 ont réformé le régime d’imposition des plus-values de cession de titres à l’impôt sur le revenu. Depuis le 1er janvier 2013, les gains nets de cession ou de rachat de titres sont imposables l’année suivant la cession ou le rachat à l’impôt sur le revenu selon le barème progressif après application d’un abattement pour durée de détention.
L’abattement pratiqué est égal à 50 % du montant des gains nets lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans à la date de la cession ; et à 65 % de leur montant lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins 8 ans.
La manière dont l’Administration a voulu appliquer cette méthode avait donné lieu à plusieurs critiques. Selon l’Administration, l’abattement devait s’appliquer tant aux plus-values qu’aux moins-values. Par suite, le montant de la moins-value imputable ou le cas échéant reportable était le montant de la moins-value constatée, réduit des abattements pour durée de détention.
Selon cette interprétation, lorsque le cours d’une action baisse, l’actionnaire n’a pas intérêt à la conserver en attendant qu’il remonte : plus longtemps il la garde, moins la perte déductible sur ses gains de même nature est importante.
En novembre dernier, le Conseil d’Etat censure cette analyse qui menait à plusieurs incohérences et précise, au contraire, que l’abattement pour durée de détention ne s’applique pas aux moins-values de cession de valeurs mobilières mais au gain net après imputation des moins-values.
Les gains nets imposables sont calculés après imputation par le contribuable sur les plus-values qu’il a réalisées des moins-values subies au cours de la même année ou reportées. L’abattement pour durée de détention s’applique au solde ainsi obtenu, en fonction de la durée de détention des titres dont la cession a fait apparaître les plus-values subsistant après imputation des moins-values.
Prenons un exemple
Mr. Dupont a cédé en janvier 2015 des actions de la société A qu’il avait acquises 3 ans plus tôt et a réalisé à cette occasion une plus-value de 20 K€. Mr Dupont a par ailleurs cédé fin novembre 2015 des actions de la société B qu’il avait acquises 10 ans plus tôt et a constaté à cette occasion une moins-value de 10 K€.
Méthode de calcul appliquée par l’Administration fiscale :
Plus-value réalisée sur les actions de la société A : application d’un abattement de 50 % (durée de détention d’au moins deux ans et de moins de 8 ans), soit une plus-value après abattement de 10 K€.
Moins-value réalisée sur les actions de la société B : application d’un abattement de 65 % (durée de détention d’au moins 8 ans), soit une moins-value après abattement de 3,5 K€.
–> Par conséquent, le montant de la plus-value imposable s’élevait à 6,5 K€ (10 K€ – 3,5 K€).
Suite à la censure, méthode de calcul appliquée par le Conseil d’Etat :
La plus-value réalisée sur les actions de la société A étant de 20 K€ et la moins-value réalisée sur les actions de la société B étant de 10 K€, la plus-value nette soumise à abattement s’élève donc à + 10 K€. La durée de détention des actions dont la cession a fait apparaître la plus-value subsistant après imputation de la moins-value est d’au moins 2 ans et de moins de 8 ans. Le montant de l’abattement pour durée de détention est égal à 50 % du montant de la plus-value.
–> Par conséquent, le montant de la plus-value imposable s’élève désormais à 5 K€ (10 K€ x 50 %) au lieu de 6,5 K€ calculé par l’Administration fiscale.
L’impact sur les prélèvements sociaux et la CHR
Pour rappel, les revenus mobiliers (y compris les plus-values) sont soumis aux prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 % et, le cas échéant, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CHR) à hauteur de 3 % ou 4 % (fonction du revenu de référence du contribuable).
Les revenus assujettis sont retenus pour leur montant net, tel qu’il est pris en compte pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, avant application de l’abattement pour durée de détention.
La méthodologie préconisée par l’Administration menait à des incohérences. En particulier, elle pouvait empêcher le détenteur d’un stock de moins-values, même important, d’absorber totalement la taxation des plus-values. Pourquoi une telle aberration ? Parce que les textes sur les prélèvements sociaux ne prévoient pas spécifiquement d’imputation des moins-values.
Prenons un exemple : un contribuable a réalisé des plus-values en 2013 ou 2014 sur des titres détenus depuis plus de 2 ans et disposait de moins-values reportables au titre d’années antérieures. Celui-ci a pu compenser ses plus-values nettes après abattement sur ses moins-values mais s’est retrouvé redevable de prélèvements sociaux en raison de la réintégration de l’abattement pour la liquidation de ces derniers.
Pour aller plus loin…
Une autre conséquence de cette décision du Conseil d’Etat concerne le report des moins-values nettes constatées au cours d’une même année civile.
–> Concrètement, le montant de moins-values reportable sur les 10 prochaines années correspond désormais à la moins-value nette avant abattement pour durée de détention (et non plus après abattement).
Une dernière précision enfin sur l’imputation des moins-values : dans le cas où il y aurait plusieurs plus-values réalisées avec des durées de détention différentes, l’imputation des moins-values réalisées au cours de la même année ou reportées sont réalisées par le contribuable pour le montant et sur les plus-values de son choix.
–> Concrètement, le contribuable aura tout intérêt d’imputer ses moins-values en priorité sur les plus-values dont la durée de détention est la plus faible.
Que faire ?
Une réclamation préalable est possible. Les contribuables qui souhaitent demander la restitution du montant correspondant de l’impôt sur le revenu trop payé, le cas échéant, des prélèvements sociaux et de la contribution sur les hauts revenus, peuvent former une réclamation préalable jusqu’au 31 décembre de la 2ème année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle.
–> Concrètement, les contribuables ont jusqu’au 31 décembre 2016 pour les revenus de 2013 mis en recouvrement en 2014 et jusqu’au 31 décembre 2017 pour les revenus de 2014 mis en recouvrement en 2015 pour former leur réclamation.
Les contribuables concernés sont ceux qui ont imputé des moins-values sur leurs plus-values de 2013 et/ou 2014 et ceux qui ont réalisé au cours de ces années des moins-values frappées par l’abattement.
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